DESSINER LA MODE
DESSINER LA MODE
LA MODE - LOIS, LOGIQUES & FICTIONS DU PARAÎTRE
Sous la co-direction de Mathieu Buard, Colette Depeyre, Céline Mallet
Cerisy, du 3 au 8 juin 2024
Après avoir parcouru les chemins d’une indiscipline de la mode en tant que territoire théorique et pratique, en 2021, nous proposons de regarder la mode sous l’angle du paraître pour ce second colloque. Lois, logiques et fictions du paraître donc, comme le désir d’étudier les régimes différenciés de nos apparitions, avec cette même pluridisciplinarité de voix que nous souhaiterions réunir pour ce nouveau volet à Cerisy, en 2024.
Qu’elles régissent les couleurs de la livrée des gens de la Maison du Roi ou qu’elles interdisent aux classes bourgeoises le port d’une étoffe précise, les lois somptuaires édictées par le pouvoir au cours de son histoire auront codifié les apparences, manifesté les hiérarchies et le faste, rappelant les fonctions primordiales de représentation du vêtement et des ennoblissements textiles.
Prises dans une acception large ou imagée, les lois somptuaires sont également régulièrement subverties. Que ce soit le phénomène glam, punk ou fluo, des communautés se dessinent depuis ces logiques d’élection. Les lois deviennent des codes qu’un groupe socio-culturel peut promulguer par lui-même, soucieux de construire pour et contre les autres un ensemble de signes d’identité, d’aura ou de puissance. Ainsi va la vie de cour, ainsi vont les cercles de sociétés plus ou moins confidentiels de la contre-culture, lorsque l’emplacement d’une mouche de velours ou le port d’un pantalon plus large qu’il ne le faudrait entrent en écho.
Il y aurait donc des logiques du paraitre, quand une silhouette s’invente à la croisée de la manifestation de soi et des parades sociales, quand cette même silhouette s’offre comme un écheveau complexe de choix et de renoncements, d’arrangements sinon de conflits ouverts avec l’époque.
Il y aurait enfin les fictions, les rôles que l’on projette, les personnages que l’on invente, dans la vie comme sur scène, en images. L’art du vêtement s’y affirme comme le support de narrations, le véhicule de métamorphoses, le motif d'un spectacle, la présence d’un costume. La mode donc, mais aussi tous les vêtements accumulés et collectionnés au-delà du programme et des cadences de production de cette industrie, peuvent alors transiter vers d’autres territoires, géographiques, créatifs, culturels, industriels, techniques… Pour creuser d’autres temporalités, anticiper d’autres perspectives, élaborant un regard second sur l’histoire et le contemporain.
PRGRAMME : https ://cerisy-colloques.fr/mode2024/
ARCHIVES DE MODE. Substance et Évanescence
Conférences et tables-rondes
Ouverts à toutes et tous
Auditorium de l’INHA (Institut national d’histoire de l’art)
30 novembre 9 h-17 h 00
1er décembre 9 h 00-12 h 00
30 NOVEMBRE
•Images sédimentées (Émilie Hammen / Manuel Charpy)
-Emmanuelle FRUCTUS, artiste, iconographe et collectionneuse de photographies anonymes
-Caroline BERTON, directrice du Pôle Image chez Condé Nast
-Marine KISIEL, conservatrice en charge du département XIXe siècle au Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris
-Antoine BUCHER, fondateur de Diktats
•Vêtements pour archives (Anne-Cécile Sonntag / Céline Mallet)
-Marie Charlotte CALAFAT, conservatrice et responsable du département des collections et des ressources documentaires du MUCEM
-Jeanne-Léopoldine CLAUSTRE, documentaliste et doctorante en esthétique
-Olivier COLOMBART, assistant de conservation préventive chez Christian Dior Couture
-Emmanuelle GARCIN, restauratrice textile (MAD) et chargée de cours à l'École du Louvre
-Olivier CHATENET, collectionneur, conseil et commissaire d’exposition
1er DÉCEMBRE
•Archives, matière active (Mathieu Buard / Patrice Verdière)
-Alice GAVIN, directrice artistique et artiste associée au Ballet national de Marseille
-Sébastien LIFSHITZ, réalisateur et commissaire d’exposition et collectionneur de photographies
-Pierre-Yves GAYRAUD, chef costumier cinéma
-Gaspart de MASSE, responsable des archives Balenciaga
InVisu (CNRS-INHA), École Duperré, HiCSA (Université Paris I-Panthéon Sorbonne), INHA
Coordination : Céline Mallet, Mathieu Buard, Anne-Cecile Sonntag, Pierre Giner, Émilie Hammen, Camille Hanen, Manuel Charpy.
Anne-Lause Sacriste_Le Monde sans les mots_
Visite à deux voix
LA MODE COMME INDISCIPLINE
Territoires d'expressions et de recherches
Sous la co-direction de Mathieu Buard, Céline Mallet, Aurélie Mosse
Cerisy 2021
Introduction générale aux actes du colloque.
La mode n’avait jamais été abordée à Cerisy[1]. Le faire en 2021 pour la première fois signifiait qu’il fallait d’abord exprimer la complexité de ce domaine tant du point de vue des pratiques que des réflexions théoriques se déployant à partir d’elles. La mode a une histoire, qui rejoint celle du vêtement et du costume. La mode recoupe la sociologie, depuis sa dimension intime et sociale. La mode en tant qu’art appliqué exalte la question du style, désignant une vaste famille d’objets, de gestes, de processus et de manières sensibles. La mode est une réalité industrielle à l’échelle mondiale, un marché foisonnant, le lieu de démarches extrêmement diverses et qui ne sont pas sans générer des conflits. La mode inspire la littérature, la philosophie ou l’architecture, suscite les commentaires et les critiques depuis une longue tradition de presse. Elle exacerbe les camps et génère encore les réticences, quand il lui faut se poser comme une discipline scientifique. Puis, la recherche en mode, – c’est à dire aussi bien la recherche sur, que par et pour la mode -, ne s’élabore pas seulement depuis l’analyse concertée, elle se pense depuis la pratique elle-même dès lors que cette dernière assume une dimension prospective, comme dans bien d’autres champs du design. Chercher en mode, c’est donc faire feu de tout bois, embrasser l’ensemble des cultures qui façonnent ce phénomène, cet objet indiscipliné. C’est alors emprunter à d’autres sciences, notamment l’anthropologie, la biologie, l’économie, pour tracer d’autres chemins, c’est transgresser les frontières des disciplines instituées. C’est inventer, en mouvement, un faire et une pensée nécessairement indisciplinés.
Revenons aux origines du colloque intitulé “La Mode comme Indiscipline” et dont l’ouvrage ci-présent est une restitution augmentée. Un premier comité s’est constitué en 2017, avec le soutien de l’inspectrice générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche Brigitte Flamand, porté par la volonté de “ réunir une communauté scientifique, à la jonction entre les sciences dures et les sciences humaines et sociales, proposant un volet conceptuel et épistémologique en lien avec un volet expérimental, autour de quatre entités (…) d’enseignement supérieur*[2]”. L'École Duperré, l’École des Arts Décoratifs, l’Institut Français de la Mode et l’Université Lumière Lyon 2 initient alors une première réflexion sur ce que pourrait être un colloque sur la mode et le vêtement, sur l’histoire d’une discipline. Très vite apparaît la nécessité de définir les bords d’un sujet fluctuant, indocile à l’étude, mais qui ne saurait se cantonner à la seule lecture hagiographique des héros et des maisons de mode.
Puis la constitution du comité évolue, et en 2020 le programme initial est repris sous l’impulsion de l’École Duperré et de l’École des Arts Décoratifs, auxquelles se joint bientôt l’Université Paris Dauphine-PSL. Plusieurs désirs soutiennent dès lors ce projet. Et d’abord celui de prendre acte de la mode dans son champ élargi, pour assumer les postures de recherche actuelles et les forces vives présentes tant chez les professionnels des métiers de la mode que du côté des acteurs élaborant l'observatoire scientifique de ces pratiques. Il s’agira, alors, de croiser les terrains de recherche, et de faire état de postures conceptuelles et de processus de conception prospectifs, émergents sinon nouveaux.
Résiste depuis cette richesse protéiforme une fondamentale indiscipline de la mode, que nous élisons comme horizon. Le colloque arrête son titre sous le nom de “La mode comme indiscipline” et nuance cette assertion provocatrice en posant des territoires d’expressions et de recherches, manière d’indiquer la diversité et la mobilité consubstantielles à ce domaine.
Le colloque intitulé « La mode comme Indiscipline : territoires d’expressions et de recherches » a ainsi rassemblé au château de Cerisy un ensemble de personnalités aux parcours et aux expertises multiples, dont le présent livre se fait l’écho complet. En conférence, sous les formes des arts vivants, dans les jardins, sous les voûtes, au son des cloches rythmant les journées et leurs rendez-vous, et de bonds en rebonds, d’échanges en discussions… Se seront rencontrés historiens, philosophes, collectionneurs, directeurs artistiques ou designers, artistes, performers mais aussi doctorants et étudiants présents à ces échanges. Tous ont éclairé depuis leurs préoccupations et leurs expériences ce phénomène transmedia, transdisciplinaire qu’est la mode. Et ce en quatre temps, à l’échelle des quelques jours du colloque, quatre temps différenciés que nous avions, depuis la co-direction, proposés. Le livre ci-présent édite un réagencement des différentes interventions, et propose de dépasser l’archive au profit d’un éclairage supplémentaire.
Si la mode est donc un champ d’expression et de recherche aux milles facettes, ce livre est organisé en quatre chapitres, aux contours inévitablement arbitraires mais permettant d'aborder quatre façons de faire mode. Dans un premier temps, il s’agit avec “Mode, Style, Poncif” d’approcher cette dernière comme un phénomène culturel, une expérience esthétique et collective à travers le prisme de l’histoire, de la philosophie, de l’anthropologie aussi bien que de la performance artistique. Un deuxième temps intitulé “Conservation et Création” s’attache davantage à la réception et à la conservation de l’objet de mode du point de vue des histoires de l’art comme du collectionneur averti mais encore déployé par un vêtement performé ou théâtralisé. Dans un troisième temps, “L’industrie et le mal” nous invite à explorer l’industrie de la mode, son organisation, ses responsabilités en convoquant les voix de la communication et du marketing, de la direction artistique autant que des sciences de gestion ou du management de l’innovation. Enfin, dans un dernier temps intitulé “Eco-conception, procédés ingénieux et industrieux”, la recherche par la pratique du design et de l'ingénierie nous invite à explorer les processus actuels de création du vêtement et de la mode à l'aune d'une nécessaire reconsidération de ses pratiques par le prisme de l’écologie, de la compréhension des cycles de vie et des dynamiques de résilience.
Nous souhaitons que cet ouvrage puisse être un objet de dialogue et de partage interdisciplinaire, qu’il ouvre à d’autres réflexions et active concrètement d’autres grilles de lecture, pour cette industrie créative et réactive qu’est aussi la Mode. Nous souhaitons tracer non pas une histoire mais des histoires de modes ; il ne s’agit pas de penser un système clos, mais les entre-systèmes de cette discipline.
Nous redisons toute notre gratitude aux intervenants de ce colloque.
Nous remercions Le Centre culturel international de Cerisy (CCIC) qui organise les Colloques de Cerisy ; Edith Heurgon, Armand Hatchuel et l’ensemble de l’équipe pour leur disponibilité et leur accueil. Nous remercions Brigitte Flamand, IGÉSR, pour son accompagnement au démarrage de cette aventure et pour sa présence lors de la tenue de ce premier colloque. Nous remercions nos institutions respectives, nos directeurs Alain Soreil pour l’École Duperré et Emmanuel Tibloux pour l’École des Arts Décoratifs de Paris ainsi que l’Université PSL (Paris Sciences & Lettres). Nous remercions Cédric Denis-Rémis, directeur de l'Institut des Hautes Etudes pour l'Innovation et l'Entrepreneuriat, Mines Paris – PSL, pour le soutien financier apporté à l’ouvrage. Nous remercions chaleureusement Victoire Disderot et Étienne Périn pour la coordination logistique depuis nos écoles, Elsa Carnielli pour le suivi éditorial, ainsi que nos étudiants Clara Ziegler, Lucien Lhéritier et Émilien Lassance pour leur présence aussi joyeuse qu’investie, jeune équipe technique qui aura participé à la fluidité de la tenue de nos journées. Nous remercions les éditeurs de cet ouvrage B42 Alexandre Dimos et Julie Lamotte pour la belle édition que constitue cet ouvrage. Enfin nous remercions tous les acteurs qui ont de près ou de loin contribué à réaliser ce premier volet des colloques de Cerisy sur la mode.
Mathieu Buard, Céline Mallet, Aurélie Mosse.
Octobre 2023.
[1] Rappelons ici que Cerisy, depuis le milieu du XXème siècle, est un haut lieu de la pensée intellectuelle française et internationale. Ici nous pouvons citer des penseurs, toutes disciplines confondues, tels que Gilles Deleuze, Umberto Eco, Raymond Aron, Helene Cixous, Annie Ernaux, Jacques Aumont, Jacques Le goff, Claude Simon, Vinciane Despret … qui ont développé sur et avec leurs pratiques respectives de grandes perspectives et discussions lors de ces colloques - http ://www.ccic-cerisy.asso.fr/colloques3.html
[2] Damien Delille, Université Lumière Lyon 2.